PREFACE DU VICE AMIRAL D'ESCADRE JACQUES LAUNAY, MAJOR GENERAL DE LA MARINE, .
« Courage partout, il faut vivre encore Sous un ciel qui n’a plus mémoire de l’aurore » Jules Supervielle
Debout. Un enfant debout dans le tangage d’une vie d’épreuves. Un adolescent debout dans la rudesse des travaux de la ferme. Une jeunesse debout dans les maléfices des emprisonnements arbitraires. Un marin debout dans la quête de la liberté…
Toute une vie debout malgré les peines et les obstacles ! Vous allez découvrir grâce à la plume attentive et affectueuse de Catherine Ecole-Boivin, ce qu’est le tangage d’une vie avec le « pain tournant », les raclées, l’hospice, la vie de vacher, l’engagement, la Marine, les prisons, les trahisons, l’évasion, les convois, les escortes du Jour « J » et de juin 44, la tuberculose… Et dans cette vie parfois tragique, le bonheur malgré tout, les bonheurs furtifs, la force des promesses, l’idéal ancré comme un fil permanent, l’amour de Marjorie, les liens des deux côtés de la Manche. J’ai épinglé le 04 mai 2006 sur la poitrine de Georges Lepoittevin la croix d’officier de la Légion d’Honneur à la Résidence de France, à Londres. Il m’a dit sa fierté. Je lui ai dit la mienne et mon « admiration vis-à-vis de ceux qui ont su dans une époque difficile de notre histoire rester fidèle à l’esprit de liberté ». Ce même jour du 04 mai 2006, l’Air Marshall David Pocok du Ministère britannique de la Défense (le MOD) le faisait « Member of british Empire » (MBE). Double reconnaissance pour une vie agitée comme la Mer sait l’être dans ses tumultes imprévisibles. Lorsque j’ai servi à Londres en tant qu’attaché de Défense, Georges ou plutôt Arsène Georges Lepoittevin était une figure : nous le rencontrions souvent à l’Ambassade où il avait plaisir à venir au sein de la Mission Militaire partager quelques moments de convivialité en plaidant pour les dossiers des autres : « Altruiste, persévérant, attachant » voilà les termes employés pour le décrire que j’ai entendu prononcer par mon personnel. Il se faisait un devoir de participer aux cérémonies militaires, notamment le 18 juin, pour honorer ses frères d’armes : le souvenir et le devoir.
La Terre l’avait endurci dans sa jeunesse et préparé aux épreuves. La Mer l’a relevé. Elle l’a aussi révélé à lui-même et aux autres. Les marins et la Marine ont été une de ses familles d’accueil, de celles qui donnent des références pour vivre une vie d’homme loyal, droit, respectable. Pendant la guerre, son parcours tourmenté vers les FNFL culmine avec les convois et les escortes en Juin 1944 et les dangers des mines. Il était là le Jour J, humble artisan de la liberté au milieu des autres anonymes mais grands. C’est la force de la mémoire, la mémoire de repères fussent-ils fugitifs pourvu qu’ils soient beaux, qui permet de surmonter les épreuves, c’est le respect d’une promesse d’engagement qui honore l’homme. Sinon pour qui ou pourquoi survit-on en régime cellulaire ? « French Georges » a aussi appris l’Anglais à l’école de la vie : s’ouvrir à une langue étrangère c’est aussi s’ouvrir aux autres. C’est dans la nature des choses. C’est dans sa nature. Arsène Georges Lepoittevin s’est engagé pour son pays, pour sa famille, pour les autres, pour une certaine idée des rapports entre les hommes : Catherine Ecole-Boivin vous le conte avec élégance, délicatesse et affection. Georges était radio dans la Marine : Pour être un bon radio, il faut écouter, patiemment écouter, enregistrer, prendre les sons et discerner le message… discerner ! Voilà un grand mot.
Arsène le radio trouve le sens des mots dans le bruit des ondes. Arsène le marin a aussi trouvé le sens de la vie dans le bruit du monde. Et finalement, Arsène Georges Lepoittevin a discerné le bon grain de l’ivraie dans la vie de tous les jours, dans la survie d’une prison comme dans le combat pour la liberté.