A l'heure où la béatification du pape Pie XII revient dans l'actualité, je constate que la condamnation de mon père pour diffusion du message de Noël 1942 est citée parmi les témoignages plaidant en faveur de l'action du Pape (par exemple ici). Et c'est bien là le drame.
Le Pape savait-il ce qui se jouait en Allemagne autour de l'ellimination des Juifs ? Sans aucun doute et le problème se résume donc à ce qu'il a fait. Dès lors que, pour sa défense, c'est l'attitude même du IIIe Reich qui lui sert de brevet de bonne conduite, et c'est un peu court. Ainsi, dès lors que les Nazis estiment que le message de Noël est dangereux et que sa diffusion doit être interdite, il décernent un véritable brevet de résistance au Pape. Les défenseurs de Pie XII ajoutent qu'en deux autres occasions au moins il a protesté contre les persécutions nazie. Et c'est bien ce qu'on peut lui reprocher. Il n'a fait que qu'élever des protestations, là où seule une sainte colère aurait pu jouer un rôle direct en mettant les catholiques allemands devant leurs responsabilités et en prenant, certes, tous les risques de représailles en Italie ou contre lui. Mais il a préféré s'inscrire dans la tradition diplomatique et le respect tant des pouvoirs établi que de la force brute : "si Pie XII n'a pas prononcé le mot juif, c'est en accord avec le représentant de Roosevelt à Rome, car le mot "juif" mettait Hitler en fureur ! " (ici). Si Jésus a chassé à coups de fouet les marchands du Temple, le successeur de Saint Pierre, lui, choisissait des mots qui ne choquent pas pour stigmatiser les criminels nazis. Nul ne pouvait, sans doute, mesurer l'ampleur du crime perpétré mais le pape était non seulement l'une des personnalités les mieux informées, mais l'une de celles qui auraient pu en savoir encore plus si elle avait voulu créer de véritables réseaux d'information et de résistance (ce qu'avait tenté de faire, à sa petite échelle, un Dietrich Bonhoeffer). En découvrant en 1945 la brutale réalité de ce qu'il n'avait pas su dénoncer, Pie XII n'a pas cru bon de démissionner. Les polémiques concernant son "silence" (et où les historiens n'ont aucun mal à contredire les dramaturges, les cinéastes et les journalistes) ne doivent pas oublier l'essentiel : six millions de personnes ont été assassinées sans que cela provoque la révolte des plus hauts représentants de l'église. Je sais, tout cela révèle une grande naïveté de ma part, mais c'est la façon dont on coupe les cheveux en quatre aujourd'hui pour justifier l'attitude des élites me met en colère.
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