Si ma mémoire ne me joue pas des
tours, c’est en 1922, au cours de sa toute dernière campagne de fouilles,
qu’Howard Carter mit à jour le tombeau de Toutankhamon. Toutes proportions
gardées, c’est dans le dernier carton dont je n’avais pas eu le temps de
contrôler le contenu des enveloppes que j’ai trouvé l’identité de la charmante
ancêtre qui me tient compagnie dans mon bureau. Mon père était en effet dans
l’incapacité de me dire qui elle était et d’où venait ce tableau. Il s’agit d’une
photographie portant au verso tous les éléments d’identité me prouvant qu’il
s’agit de la grand-mère de mon arrière grand-mère.
Charlotte Rebecka Élise Klugkist,
née le 18 mai 1792 et morte le 9 septembre 1829. Elle s’est mariée le 20
décembre 1812 avec Justus Wilhelm Iken (1785-1861). Sa fille Rebecca
(1822-1864) a épousé en 1842 Johann Abraham Heinrich von Gröning (1814-1888) ;
leur fille, Henriette von Gröning (1851-1933) s’est mariée à Karl Jaspers
Oelrichs (1844-1923) et ma grand-mère Élisabeth (1890-1945) est sa fille.
J’ai déjà parlé de mes interrogations quant à l’intérêt des collections
d’ancêtres. Ce portrait me donne cependant l’occasion d’y revenir. D’abord pour
dire qu’un tel tableau donne un présence toute particulière à Charlotte Iken.
Pas de meilleur moyen de mesurer la distance et la proximité qui nous sépare et
nous rapproche. Ensuite pour dire combien il est possible de pousser jusqu’à
l’absurde le « droit à l’image » dont on fait grand cas de nos jours.
C’est la condamnation des auteurs du catalogue d’une exposition sur le mariage
en Bretagne qui avaient fait découvrir, il y a plus de trente ans, les premiers
excès du genre : quelqu’un avait reconnu son grand-père sur la
photographie d’une tablée de mariage ! Dans ce cas, qui détient le droit à
l’image sur chaque parent ou ancêtre ? Charlotte Iken a, au minimum, des
dizaines de descendants… Ce sont d’ailleurs les mêmes, bien souvent, qui se
plaindront d’avoir été oubliés, négligés, quand on ne leur a pas donné
l’occasion de faire valoir leur droit à l’image. Dès lors que l’image n’est
associée à rien de dévalorisant ou diffamatoire, dès lors qu’elle témoigne d’un
« intérêt désintéressé », artistique, historique ou affectif, elle
doit être perçue comme un hommage, un témoignage de fidélité et non comme un
vol.
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