« Il a une mémoire extraordinaire ! ». Combien de vieillards, dont mon père, on provoqué cette exclamation en évoquant mille détails du passé. Mieux encore, les efforts des chercheurs travaillant sur la tradition orale n’ont-ils pas magnifiquement mis en valeur que la qualité du témoignage porté par la voix populaire. Au point qu’on serait bien souvent amené à prêter plus de crédit à un chant traditionnel dénonçant les auteurs d’un meurtre vieux de trois siècles qu’à un document écrit se prêtant à toutes les falsifications. J’ai eu l’occasion d’écrire combien me fascinaient les récits d’épisodes de la Révolution française portés par la seule mémoire des trois générations de femmes qui m’en séparaient.
Mais il arrive que le beau navire prenne l’eau et pour peu que l’on descende dans la cale, on découvre parfois bien des trous. Qu’on en juge – en me pardonnant leur côté anecdotique - par les deux corrections que j’entends apporter ici au texte de Mon père, Hitler et moi.
C’est pratiquement sous la dictée de mon père que j’ai raconté sa visite, en 1933, à un lointain cousin vivant à Londres, le colonel Louis Meinertzhagen (1887-1941). J’ai ainsi été amené à préciser : « En 1916, le colonel Meinertzhagen commandait en Afrique de l’Est les troupes britanniques opposées à celles du colonel von Lettow-Vorbeck dont les lecteurs les plus attentifs ont retenu que le fils était un camarade de classe de mon père. Les sujets de conversation ne manquent donc pas, surtout avec Luke, un des quatre enfants du colonel qui a sensiblement le même âge que mon père et qui correspondra avec lui jusqu’au déclanchement la guerre. Au printemps 2006, mon père s’est souvenu de son lointain parent londonien et lui a écrit à l’adresse qu’il conservait en mémoire depuis soixante dix ans. Las ! C’est la princesse Anne de Polignac qui répondit que son beau-père était mort en 1984 et que son mari Nicolas, le fils unique de Luke, venait de disparaître le 29 janvier 2006 dans un accident de voiture ! »
Or, ayant découvert par hasard que le colonel Meinertzhagen était aussi un très célèbre ornithologue ayant même publié des notes sur l’avifaune d’Ouessant où il était allé en 1933, j’ai rapidement pris conscience que mon père avait confondu Louis (1887-1941), philatéliste renommé, et son frère Richard (1878-1967), le colonel ornithologue (toute sa généalogie ici). Il avait en fait, probablement rendu visite à ses deux cousins et ce que l’on peut apprendre sur la vie romanesque de Richard Meinertzhagen justifie peut-être la confusion.
Je dois aussi rectifier l’épisode suivant : « Sur la route, mon père a aussi fait un crochet pour visiter, selon sa bonne habitude, un membre présumé de sa famille dans le château de Rosambo, à Lanvellec, près de Lannion. Un de ses cousins britannique lui a communiqué l’adresse et il arrivé sans crier gare au beau milieu d’un repas de famille. Il avait encore un peu honte, cinquante ans plus tard, de son sans-gêne et de ses guenilles de cyclo-randonneur. » J’ai, en effet, retrouvé un courrier dans lequel mon père conte cette histoire et un carnet d’adresses ancien qui la confirme. Certes, il connaissait Alain Le Pelletier, vicomte de Rosanbo, mais c’est au château de Bahurel, près de Redon, chez le comte et la comtesse de Laigue qu’il était arrivé dans un triste état pour tester une éventuelle parenté. Parent ou pas, il n’en avait pas moins maintenu un contact puisque j’ai trouvé une lettre de remerciements de la comtesse à qui il avait envoyé du thé en 1948 ! Il avait alors été dirigé vers deux demoiselles de Boisfleury qui habitaient Redon et qui lui avaient conseillé d'aller à Vendôme où résidait la branche principale des Boisfleury dont, effectivement, une grand-mère se nommait de Beaulieu (il s'avéra, plus tard, qu'elle n'avait aucun lien possible avec nous). Mon père partit donc alors pour Vendôme mais la doyenne reçut alors fort mal cet Allemand déguenillé. Seuls ses petits enfants, désolés, qui avaient à peu près l'âge de mon père, le reconduisirent à la grille du château. En 1979, mon père retrouva l'un d'eux, Jacques de Boisfleury, à la sortie d'un des cultes qu'il assurait à Vannes et qui commença par lui demander s'il connaissait un certain Herbert de Beaulieu qu'il avait croisé en 1937 !
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