Le médaillon ci-contre contient le portrait d’un ancêtre qui vivait, à n’en pas douter, au XVIIIe siècle. Mais les guerres et l’oublieuse mémoire l’ont rendu anonyme. Cependant, contrairement à la cohorte de ceux dont il ne reste qu’une photographie, celui-ci pourrait, à défaut d’avouer son nom, reconnaître qu’il est bien perché sur l’une des branches de l’arbre généalogique En effet, une mèche de cheveux est enfermée au dos de la miniature. Quand les analyses génétiques seront bon marché, il sera possible de s’amuser à déterminer s’il est à relier aux Oelrichs, aux Gröning, aux Chales de Beaulieu ou des amis de la famille… Les mèches de deux ou trois cousins feront l’affaire à côté de celles de Natanael, représentant de la dixième génération issue de François Charles de Beaulieu mort et enterré à Braunsberg (Prusse orientale) le 24 septembre 1725.
Il ne s’agit pas simplement de rendre sa place à chacun, d’identifier les disparus, de jouer au détective. Tout travail sur le passé - la toile de fond - n’a de sens que s’il s’adresse au présent et lui donne son épaisseur. Avoir une idée de ce que furent et de ce que firent des ancêtres, de façon précise ou, faute de documents, au travers du groupe humain qui fut le leur, n’est-ce pas aussi prendre la mesure de l’histoire – la petite et la grande - que nous continuons à faire et dont on voudrait nous persuader qu’elle n’a plus de sens dans un monde qui a trouvé sa vérité ultime, la consommation effrénée dans un présent perpétuel. Ce que les crises qui éclatent ont de sidérant (« comme paralysé sous l’influence mauvaise des astres ») c’est qu’elles font brutalement rentrer l’histoire par la fenêtre.
Un homme en perruque poudrée, né il y a trois siècles, me donne à penser ce qui me sépare et ce qui me rapproche de lui. Beaucoup de liberté font la différence (les progrès techniques m’ont doté de l’équivalent d’une centaine de domestiques qu’il n’a jamais eus et quelques lois me donnent encore quelques droits qu’il n’avait pas) – pour l’égalité j’ai des doutes. Quant à ce qui nous rapproche, j’imagine volontiers que les sentiments mis dans la mèche de cheveux, envers de la perruque des conventions, nous font contemporains.
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