NB : on trouvera ici des précisions concernant Stephan Troendle, l'auteur de ces photos.
Dans une enveloppe portant la simple mention "Krieg", j'ai trouvé une série de petites photos inattendues puisqu'elles mettent en images plusieurs récits de mon père que l'on peut reconnaître sur plusieurs d'entre elles. Certaines portent des annotations au dos et sont datées de juillet 1944.
Depuis le 7 octobre 1943, comme il a accompli sans se faire remarquer ses sept mois de camp de punition, mon père a été incorporé comme « grenadier » dans une division qui monte au front. Dans les jours qui suivent, son unité a subi de telles pertes du fait des bombardements russes que les survivants sont regroupés à Lodz sans même avoir combattu. Á partir du 12 octobre, il est intégré à la 339e division d’infanterie, dans un régiment de grenadiers de première ligne (on le voit ci-contre faisant son courrier - il n'a pas cessé de sa vie - pendant une opération). Ce serait, vu les circonstances, une condamnation à mort à peine différée s’il n’était radiotélégraphiste. Une compétence précieuse pour l’armée qui va lui éviter de se retrouver en première ligne, même si cela ne le dispense ni des pilonnages d’artillerie, ni des bombardements aériens. L’ordre de mutation reprend des éléments du jugement et rappelle qu’il s’agit d’un « soldat-intellectuel, trop mollement élevé et gâté », mais il ajoute que « son caractère est honnête, loyal et obligeant ».
(ici une photo d'un camarade assurant une transmission).
Au dos d'une photo mon père a écrit : "Que de fois j'ai fait cela !" Il s'agit, de toute évidence, de désembourber le camion qui sert à transporter le matériel radio et le lourd générateur.
Á partir du 22 juin, l’opération Bagration va aboutir à la destruction du groupe d’armées Centre et contribuer à précipiter les préparatifs de l’attentat du 20 juillet contre Hitler. Quand la bombe explose, l’Armée Rouge franchit en Pologne l’ancienne frontière germano-soviétique de 1941, cinq jours plus tard, elle est sur la Vistule. En août, l’offensive russe en Ukraine est irrésistible (ci-contre la colonne avec le camion des télégraphistes est renforcée par un char Tigre). Une grande partie du XIIIe corps d’armée est encerclée à proximité de Brody. Le camion des radiotélégraphistes s’échappe de justesse en roulant à travers des champs fraîchement moissonnés. Mon père a le temps de voir quelques chars allemands se sacrifier pour ralentir l’avance de la multitude des tanks russes qui se déploient dans la plaine. Les photos ci-dessus et ci-dessous correspondent un moment de cette bataille.
Les civils fuient devant les Russes et des hommes de son bataillon sont chargés de conduire des chariots tirés par des chevaux où s’entassent vieillards, femmes et enfants. Mon père, qui touche des rênes pour la première fois de sa vie, doit diriger un attelage.
Quand le front se fige provisoirement, les soldats s'installent dans des ruines telle cette maison où mon père dit avoir élu domicile.
Ils doivent creuser des abris enterrés (comme ici avec, visblement, des paysannes réquisitionnées pour aider).Ils fabriquent aussi des abris camouflés et un mobilier de fortune comme on le voit sur cette photographie au dos de laquelle mon père (à gauche) précise qu'il s'agit du moment où ils étaient quasi encerclés par l'armée Rouge.
Au dos dela photographie ci-dessous, mon père a écrit : "Embarquement et retour au pays. Août 1944". Il aurait tout aussi bien pu écrire "les rescapés" (on reconnaît facilement mon père en haut à droite).
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