Au fil des cartons d’archives de mon père, apparaissent des cartes d’adhérents à des mouvements aussi divers que nombreux. En voici un petit échantillon qui en souligne le spectre fort large. Côté religieux, il adhère à tout ce qui parle de « jeunesse chrétienne », même bien après ses quarante ans. Fidélité, sans doute, à ses intérêts d’avant-guerre.
Plus étonnante, à première vue, son adhésion, dès 1947 à la Confédération générale des œuvres laïques… Mais le verso de la carte donne la raison principale, puisqu’il porte le timbre-licence de campeur-randonneur. Au début de l’année, il est encore domicilié dans sa sacristie, au 105 rue de l’abbé Groult. Mais bizarrement, il s’est rajeuni de cinq ans ! Est-ce pour bénéficier du tarif prévu pour les moins de 30 ans ?
Son intérêt pour les mouvements pacifistes ou de réconciliation n’a jamais faibli. Il a, bien sûr, été « citoyen du monde ». Le Mouvement Universel pour une Confédération Mondiale a été fondé en 1947. Garry Davis, pilote américain de la guerre, en devient le porte-parole le 25 mai 1948, quand il annonce qu'il a abandonné la nationalité américaine et qu'il se place désormais sous la protection de l'ONU. Il campe devant le palais de Chaillot et reçoit le soutien d’André Breton, Albert Camus, André Gide, Jean-Paul Sartre et beaucoup d’autres, anonymes, dont mon père et ma mère (qui adhère toujours au mouvement). En décembre 1948, le mouvement rassemble 17 000 personnes Vélodrome d'hiver. On mesure là l’espoir de fraternité universelle né à cette époque, ce dont témoigne aussi la création en août 1947 du Mouvement fédéraliste européen où l’on trouve, par exemple, l’ancien chef de la Résistance Henri Frenay (qui a permis à ma mère de travailler à l’accueil des prisonniers et déportés). Mon père apportera aussi son soutien à ce mouvement, tout comme à tout ce qui relève de l’amitié franco-allemande, dont le « Comité français d’échanges avec l’Allemagne nouvelle » fondé en 1948 par Emmanuel Mounier et dirigé par Alfred Grosser. Disparu en 1967, ce mouvement est le précurseur de l’Office franco-allemand pour la jeunesse.
Je pourrais ajouter la Société protectrice des animaux, le Touring-club de France, l’œuvre d’assistance aux bêtes d’abattoir, les cercles généalogiques, Force ouvrière (lorsqu’il fut employé de bureau), l’association allemande des résistants au nazisme, divers comités de défense des contribuables et titulaires spoliés de rentes viagères…
De tout cela il ressort quelques convictions fortes où le pacifisme et l’esprit européen et tiennent une place essentielle et pour lesquelles je n’ai pas de mal à maintenir une forme de continuité. Il me semble même qu’aujourd’hui, les risques de guerre (ce ne sont même plus des risques au Moyen-Orient) sont redevenus d’autant plus menaçants que les ressources se raréfient et que la crise climatique va provoquer de terribles déséquilibres. Il n’y a plus de catastrophes naturelles, il y a un état de catastrophe permanente qui ne virera pas à l’apocalypse que si on le traite pour tel. Les crises financières et sociales ne sont que les dommages collatéraux des crises climatiques, énergétiques et écologiques non maitrisées. J’adhère donc à ce qui peut localement peut contribuer à la prise de conscience et je ne manquerai pas d’adhérer à un mouvement plus large qui aurait le courage de ne plus promettre la lune mais le sang et les larmes auxquels, d’ores et déjà, nous sommes condamnés, chaque jour un peu plus.
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