Les multiples volumes de mémoires publiés après la
guerre par les généraux amnistiés et les officiers supérieurs pas même
inquiétés – le général major Walter Chales de Beaulieu inclus – observent un silence significatif sur cet aspect de la
guerre. Quant aux soldats, on les inondent d’une proppagande destinée à les
convaincre qu’ils mènent « un combat au caractère raciste destiné à
débarrasser l’Europe de ses Juifs ». W. Wette montre qu’à défaut de faire
de chaque soldat un bourreau, il s’agissait de le préparer à toléréer et à
faciliter le travail des SS et des unités chargées de l’extermination. Les
opérations de Pologne ayant fonctionné comme une répétition générale.
Wolfgang Wette accorde une place toute
particulière au massacre d’enfants de Bjelaja Zerkov en août 1941 (cf. Mon père, Hitler et moi pp. 88-91) et à
l’intervention de d’Helmuth Groscurth (bizarrement orthographié Grosscurth par
l’auteur).
Il cite une lettre de Groscurth à son frère écrite
au milieu de l’année 1942 : « On ne peut qu’éprouver le plus profond
mépris à l’égard des responsables. Les choses étant ce qu’elles sont,
l’Allemagne court à sa perte, cela ne fait plus le moindre doute à mes
yeux ».
Si W. Wette analyse aussi l’attitude de la
Wehrmacht lors du massacre de Babi Yar et pendant toute la guerre de Russie,
il a aussi su dénicher des petits faits
révélateurs. Ainsi le cas de ces deux officiers limogés de l’armée pour avoir,
chacun de leur côté, conservé des relations amicales avec des Juifs.
W. Wette n’épargne pas non plus la marine. Le
commandant en chef de la marine de guerre, l’amiral Erich Raeder s’était
clairement positionné avant même l’arrivée d’Hitler au pouvoir comme un
national-socialiste convaincu et son antisémitisme n’avait d’égal que celui de
son successeur, l’amiral Dönitz. W. Wette nous apprend d’ailleurs que Reader et
nombre de généraux (von Rundstet, von Kluge, Keitel et beaucoup d’autres)
reçurent des cadeaux fabuleux (domaines, tableaux, argent) pour prix de leur
soumission.
L’auteur s’interroge aussi sur ce que provoqua la
conscription obligatoire de 18 à 19 millions d’Allemands et il constate
qu’aucun réel mouvement de révolte ne vit le jour comme cela avait
ponctuellement été le cas en 1918. Seuls les Témoins de Jéhovah constituèrent
un pôle véritable d’objection de conscience et le payèrent très cher (le tiers
de ses 30 000 membres incarcéré ou mis en camp, 250 exécutés). Côté
catholique, on connaît 12 (douze !) objecteurs et côté protestant 4
(quatre !!). Le paysan catholique Franz Jägerstätter ne put obtenir le
moindre secours de son église dont il invoquait pourtant les valeurs. Il ne fut
réhabilité, comme mon père, qu’en 1997. Mais il avait, lui, été exécuté en
1940.
On compte environ 30 000 condamnations à mort
de soldats de la Wehrmacht, dont 22 000 concernèrent des déserteurs et
dont 15 000 furent exécutées.
W. Wette écrit que « Des décennies après la
guerre, la grande majorité des soldats obéissants continuaient encore à refuser
toute reconnaissance à ceux qui ne l’avaient pas été. Exiger plus des membres
de la majorité serait revenu à mettre en cause de manière problématique leur
propre comportement, uniquement guidé par l’obéissance militaire et le sens du
devoir ».
Cette attitude est l’une des bases de la
construction après 1945 de la légende de la Wehrmacht « propre » et
que W. Wette étudie dans la dernière partie de son ouvrage. (à suivre).
Commentaires
Vous pouvez suivre cette conversation en vous abonnant au flux des commentaires de cette note.