Dans les documents que mon père a rassemblés pour obtenir sa réhabilitation, il y a les courriers de Stephan Troendle, un commerçant de Lorrach né en 1903. Il est assez émouvant de trouver là le regard d’un témoin de ce qui est arrivé à mon père en 1943. Il était l’un des officiers en charge du bataillon disciplinaire dans lequel mon père a été intégré de juin à septembre 1943 après sa condamnation. C’est en raison d’une blessure de guerre qu’il avait été affecté à l’encadrement des bataillons disciplinaires qui creusaient de fossés antichar ou faisaient des routes sur le front russe.
Le premier courrier date de juillet 1974 (et commence par un « Cher Monsieur ») et le dernier d’avril 1996 (et commence par un « Cher ami de guerre et camarade de paix »). Stephan Troendle a beaucoup parlé de ce condamné avec d’autres militaires et il se souvient très bien du « maigre Beaulieu ». C’était la première fois qu’il avait affaire à « un vrai cas de résistant » et ce cas l’a intéressé. Il était étonné par la mansuétude de la condamnation au vu de la gravité du délit – ce qui montre que la défense menée par Maître Schwartz avait été efficace. C’est d’ailleurs à cette époque qu’il a commencé « à avoir des doutes sur le Führer. » De plus, et aussi incroyable que cela puisse paraître, le nom ne lui était pas inconnu car c’était celui d’un officier mort en même temps que le mari de sa sœur à l’automne 1914 – à n’en pas douter, le père du condamné Beaulieu !
Ainsi donc, en 1943, un militaire condamné pour fait de résistance était un objet de curiosité tant l'espèce était rare et l'on s'étonnait surtout qu'il n'ait pas été directement fusillé.
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