Dès les premiers jours de son engagement, mon grand-père Franz a été décoré de la croix de fer pour des actions d’éclat. Il les a racontées dans des lettres adressées à son père, colonel en retraite. Ces lettres ont été reproduites dans un ouvrage illustré racontant les "exploits" de tous ceux qui avaient été décorés de la croix de fer en 1914. Je mets ces documents ici en miroir à ceux que j'ai publié là à propos d'Ersnt Friedrich, l'ami pacifiste de mon père. Depuis cette publication, j'ai découvert que Susan Sontag avait évoqué le travail d'Ernst Friedrich dans son essai Devant la douleur des autres ; elle a souligné combien ,malgré la violence des images et la grande diffusion de l'ouvrage, Guerre à la guerre n'avait rien pu empêcher. Les images des "héros", finalement beaucoup plus nombreuses, l'avaient emporté sur celles des victimes. Même si beaucoup des "héros" furent aussi des victimes. Les images ne suffisent pas et, plus que jamais, le monde déborde d'images...
La première lettre date 30 août 1914 : « Les troupes françaises sont totalement désorganisées. Huit Français se sont rendus à moi, la moitié d’entre eux est blessée. Nous avançons et nous arrêtons dans un village. Mes hommes peuvent boire de l’eau. Je ne peux plus aller à pied et, accompagné de trois hommes, je pars chercher un cheval dans une ferme. Á la sortie, je vois beaucoup de pantalons rouges. Je pense qu’il s’agit de prisonniers faits par des camarades. Je m’approche et je vois qu’il n’y a pas d’Allemand avec eux. Je me retourne et je fais semblant de commander « Tout le bataillon, halte ! ». Puis je crie face aux Français « Les mains en haut » [en français dans le texte]. Ils l’ont tous fait et sont ainsi devenus mes prisonniers ; il y a un major, un commandant et 120 soldats (…). Je suis arrivé dans nos lignes cinq minutes plus tard avec mes trois hommes et les 122 prisonniers. Nous avons été accueillis avec des acclamations de joie. J’étais heureux de ce bon tour que j’avais joué et le lendemain, le général m’a loué devant tout le monde ». L’action lui vaudra une Croix de fer de 1e classe puisqu’il avait reçu celle de 2e classe, le 22 août, pour avoir, du haut de son cheval, rassemblé trois cents soldats en pleine déroute et mené une contre-attaque victorieuse.
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