Il y a cent ans cette année que le lieutenant-général Lothar von Trotha a été rappelé en Allemagne, après cinq années de commandement des troupes de l’Empereur en Afrique. Les campagnes contre les Hereros et les Hotentots sont consignées dans deux jolis volumes sous le titre Die Kämpfe der deutschen Truppen in Süwestafrika. Le premier a été publié à Berlin en 1906 et le second l’année suivante. La reliure est soignée, le texte est accompagné de photographies et de très nombreuses cartes pliantes. Mais ce beau travail d’édition ne dit rien de l’affreux travail génocidaire mené par von Trotha.
J’ai écrit que j’avais envisagé pendant un temps que mon grand-père, lieutenant en Afrique du sud-ouest, avait pu participer aux massacres. En fait, il était arrivé le 1er novembre 1901, et il était reparti le 15 décembre 1902. Quant à son lointain cousin, le lieutenant-colonel Franz Martin Chales de Beaulieu (1857-1945), qui fut le chef d’État-major de von Trotha à la bataille de Waterberg, en août 1904, je pensais qu’il avait une large responsabilité dans les massacres. Il semble pourtant qu’il se soit opposé à von Trotha (voir ici) et qu’il ait été écarté du commandement pour cela. On le retrouvera à la tête d’une division en 1914 et c’est lui qui mourra de privations en 1945 pour avoir voulu rester, malgré l'avancé des Russes, près de la tombe de son épouse Margarete, en Prusse orientale.
Les descendants de Lothar Von Trotha qui a ordonné le massacre des Hereros en 1904 ont fait, en octobre 2007, un voyage en Namibie où ils étaient invités par Alfons Maharero, le petit-fils de Samuel Maharero (photo ci-contre), le chef des insurgés de 1904. Ils ont déclaré : « Nous les Von Trotha avons profondément honte des événements qui ont eu lieu il y a cent ans. Les droits de l’homme furent profondément bafoués à cette époque. Nous sommes désolés, puisque nous portons le nom du général Von Trotha. Cependant, nous ne voulons pas seulement regarder vers le passé, mais également nous tourner vers l’avenir. »
Condamner l’action de son ancêtre est, sans doute, indispensable. En avoir « honte » tendrait à laisser croire qu’on en porterait une certaine responsabilité individuelle. Cela va bien au-delà de la volonté de s’en désolidariser.
De son côté, le gouvernement allemand a refusé de présenter des excuses malgré les demandes réitérées des Hereros. Il préfère le terme « regrets » qui n’entraînerait pas l’obligation d’apporter des indemnisations allant bien au-delà des aides apportées à la Namibie. Pourtant, si le crime contre l’humanité est imprescriptible et si les lois prévoient de le poursuivre même rétroactivement, il y a là assez de faits étayés pour autoriser une action en justice. Peut-on arguer de leur ancienneté quand on voit que le petit-fils du chef des insurgés est là pour réclamer réparation ?
PS. Á l’écart des sites historiques ou militants, on trouvera un ensemble remarquable d’informations et de liens sur le sujet ici. Ce site est consacré aux sources et aux prolongements de deux extraordinaires albums de D. Vandermeulen retraçant la vie du chimiste allemand Fritz Haber (Delcourt, 2005 et 2007).
J'ai vu un film de M. von Trotha, l'histoire vraie d'une femme qui fuit les pays Baltes en 1945. Au début du film, M von T. nous peignait sa famille, mélange de nazis et d'anti-nazis.
Rédigé par : Thierry Kron | 10 novembre 2009 à 21:35