Au début de mon livre, j’ai écrit que j’ai « mis longtemps à savoir exactement ce qu’avait fait mon père pendant la guerre. Quand d’autres vous écrasent sous leurs exploits et leurs souvenirs, il est resté, au moins jusqu’à un âge déjà avancé, d’une remarquable discrétion. Mais j’ai eu plus de chance que ceux qui n’avaient qu’à découvrir délation, crime de bureau, collaboration quand il ne s’agissait pas de meurtres purs et simples ; c’est d’ailleurs pourquoi je leur ai toujours voué une fraternelle compassion, sachant à quel point ils n’y étaient pour rien. » Je n’ai pas évoqué là un groupe particulier dont je ne peux que me sentir proche puisqu’il s’agit de ceux qui sont nés, comme moi, d’un père allemand et d’une mère française. La différence, mais elle est de taille, c'est que je suis né deux ans après la fin des hostilités, que mes parents étaient mariés et que mon père était naturalisé Français. Par contre, presque tous les enfants d'occupants ont vraiment souffert de cette filiation qui, quand elle n’était pas occultée, devait, bien souvent, être payée comptant en insultes (« fils de boche ! » - pire pour les filles). J’ai déjà évoqué ici ces 200 000 enfants qui sont aujourd’hui, pour la plupart, des grands-parents, comme moi. Je veux seulement ajouter, puisque son président, Jean-Jacques Delorme m’a gentiment contacté, l’association franco-allemande Coeurs sans frontières qui tente de leur donner une voix audible.
J'ajouterai qu'il y a des oubliés, parmi les oubliés : les enfants nés de soldats français, prisonniers en Allemagne, travailleurs plus ou moins forcés dans les fermes et les usines. Je connais très précisément le cas d'un agricultrice allemande qui a vécu près de cinq ans de bonheur avec le travailleur agricole qui lui avait été affecté et qui en avait eu une petite fille. Alors qu'il était prêt à rester, c'est elle qui, à la Libération, l'a engagé à rentrer et à retrouver son épouse légitime et son fils. J'aimerais connaître cette petite fille qui doit avoir 64 ou 65 ans aujourd'hui pour lui dire à quel point sa mère était exceptionnelle.
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