J’ai relu Le bord intime des rivières de Richard Bohringer, la suite sans fin de C’est beau une ville la nuit. Sans fin parce que son chagrin est sans fin : « Le fils du boche. La photo du père en uniforme d’officier allemand au fond du meuble. Passer des heures à la regarder pour y trouver les traces du tyran. Impossible pourtant. Je ne pouvais pas être le fils d’un nazi. »
Jean-Paul Picaper et Ludwig Norz n’ont pas hésité à intituler Enfants maudits le livre qu’ils ont consacré aux 200 000 fils et filles de soldats allemands nés entre 1940 et 1945. Chiffre énorme, incroyable, qui explique aussi le silence obstiné de l’Allemagne peu désireuse de leur accorder la double nationalité, reconnaissance symbolique mais précieuse réclamée par certains.
Beaucoup plus douce dans l’expression que Richard Bohringer, Marie Sizun a donné récemment avec La femme de l’Allemand (Arléa) un récit où la figure du père effacé parce qu’Allemand forge en creux la vie d’une fillette.
Protégé par mon nom, ma date de naissance et la présence de mon père, j’ai totalement échappé à ce drame. Mais le charmant monsieur qui m’a demandé une dédicace et raconté que lui était revenu de captivité en 1945 avec une fiancée allemande m’a aussi renvoyé à ceux qui ont fait le choix d’assumer mari ou femme allemand et les enfants qui allaient avec dans une France toute à sa revanche aveugle. Leur résistance à la vox populi m’est précieuse.
(Photo du mariage de mes parents, le 21 avril 1947. Parmi les propositions de plusieurs photographes, ils avaient choisi celle du studio de Beaulieu, 56 rue de Passy, Paris XVIe).
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