Je viens de relire un livre important sur l'Allemagne nazie. Publié en français en 2008 (édition originale de 2006), ""Nous ne savions pas", les Allemands et la solution finale" de Peter Longerich, apporte à un dossier complexe une foule de documents nouveaux analysés avec beaucoup de précautions. L'auteur montre que la question doit d'abord être posée dans le temps : la perception de la persécution puis de l'extermination du massacre des Juifs n'a pas été la même en 1938, 1941 et 1944. La dénégation ultérieure : "nous ne savions pas" est sans doute née à partir du moment où la guerre étant en passe d'être perdue, beaucoup d'Allemands n'ont plus rien voulu savoir des Juifs, comme pour exorciser le risque de représailles brandi par la propagande de Goebbels.
Certes, on ne savait pas tout et plus on en savait, moins on osait y croire. Mais en dès 1942, le bouche à oreille, les discours officiels et un peu de réflexion permettaient de ne pas douter du sort tragique réservé à tous ceux qui étaient déportés, comme à ceux qui se trouvaient dans les territoires conquis à l'est.
Ultime rempart une fois tombé celui de la dénégation, le cri "on ne pouvait rien faire" ne tient pas plus. Sans aller jusqu'à l'héroïsme des membres de la Rose rouge, il restait une quantité d'activités possible avec une prise de risque graduée. Le dépôt de messages pratiqués par Elise et Otto Hampel (lire Hans Fallada, Seul dans Berlin ), l'aide à des Juifs passés à la clandestinité, la collecte et la diffusion d'informations offraient une large palette d'activités solitaires ou collectives. Dans ce domaine, l'action de mon père montre qu'il était relativement facile de trouver un réseau permettant de se rendre utile (en l'occurrence les Quakers de Berlin) et, en faisant circuler des informations, de contribuer, au moins, à un sentiment de solidarité indispensable à l'effort de chacun pour résister.
Même si Peter Longerich reste prudent - à juste titre - au sujet des témoignages recueillis après les évènements, mon père a toujours été très clair sur le fait qu'il n'y avait aucun doute dans les milieux qu'il fréquentait (de début 1940 à début 1943) sur l'issue fatale des déportations de Juifs. Mon père et ses amis n'auraient pas pris le risque de contribuer à cacher une jeune juive, Ruth Lilienthal (en photo ici à côté de Johannes Rau en 2001) , s'ils n'avaient pas eu la conviction qu'elle était menacée de mort.
Bref, nul n'est dispensé de résister.
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