Un certain nombre des amis qui écrivaient à mon père après guerre ne manquaient pas de s’amuser à développer les entêtes en déclinant les quatre prénoms « usuels » qu’ils lui connaissaient : Herbert, Franz, Charles, François et les variantes consistant à les associer…
Il est d’usage en Allemagne de donner plusieurs prénoms et, à sa naissance, on avait prénommé mon père « Franz, Adolf, Herbert ». On avait souligné Herbert, ce qui indiquait qu’il s’agissait du prénom principal. Mais 18 mois plus tard, sa mère avait décidé de l’appeler Franz, en souvenir de son père tué au front tandis que la famille, les enseignants et les camarades d’école utilisaient Herbert. Arrivé en France en 1945, il avait transformé la première partie de son nom de famille, Chales, en un prénom bien français « Charles », rapidement adopté par de nombreux amis et sa belle-famille. Il était persuadé que c’éait à l’origine une erreur d’état civil qui s’était produite au détriment de son ancêtre dont l’acte de décès à Braunsberg donnait bien en latin, le nom « Franciscus Carolus de Beaulieu ». Selon les correspondants, mon père signait sans problème avec l’un ou l’autre de ses prénoms. Mais il lui avait fallu trafiquer quelque peu à partir des actes de naissance reçus d’Allemagne pour se créer sa nouvelle identité (attitude étonnante pour un passionné de généalogie et de patrimoine familial !). On verra ci-contre que la traduction de son acte de naissance évolue sensible entre la version de septembre 1946 et celle de mars 1947.
Quand, à la rentrée 1997, François Weyergans - devenu Accadémicien français en 2009 - publia son livre Franz et François, mon père lu avec curiosité les critiques dans la presse et se sentit concerné. Mais, dans l’impossibilité de le trouver en occasion, il n’acheta pas le livre. Ce qui ne l’empêcha pas, le 28 octobre, d’écrire à l’auteur…
« Cher Monsieur, J’ai lu dans l’Express du 9 octobre 1997 l’article concernant votre nouveau livre « Franz et François ». Permettez-moi de vous dire que ce titre représente aussi pour moi un sens profond et tragique. » Suivent deux pages racontant de façon plus ou moins limpide l’histoire familiale depuis 1685, évoquant des Weyergancx belges et des Weiergans allemands, puis retraçant en vrac quelques épisodes de sa vie (mort du père, condamnation, naturalisation, apprentissage, prénoms multiples). Je ne retiendrai qu’une phrase : « Toute ma vie j’ai cherché mon père en visitant toute sa famille en Prusse orientale et en faisant raconter sa vie et tous les évènements de sa vie ».
On sait la légendaire difficulté de François Weyergans à achever ses ouvrages et on ne s’étonnera pas qu’il n’ait pas répondu au courrier d’un non-lecteur encore plus égocentrique que lui.
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