Un carton mêlant coupures de presse récentes et dossiers datées de la fin des années 1940 m’a révélé un nouveau petit métier à mettre à l’actif de mon père. On comprendra qu’il n’ait pas figuré dans son cv.
Comme je l’ai raconté, mon père avait dit à ma mère trop triste de la fin de son congé maternité de rester à la maison et qu’il se « débrouillerait ». Deux ans plus tard, il s’était si bien débrouillé qu’il était invité à se présenter le 14 janvier 1949 devant la 11e chambre du tribunal de police correctionnelle de la Seine, prévenu d’avoir, en novembre 1948, « négocié des devises étrangères sans autorisation de la banque de France » et « omis de déposer chez un intermédiaire habilité à cet effet par le ministère des finances les devises étrangères qu’il détenait. » Toutefois, dès le 24 décembre 1948, le Ministère des finances avait répondu à sa demande de transaction et lui proposait le paiement d’une amende de 1 000 francs pour mettre fin aux poursuites. C’est sans doute pourquoi il reçut le 2 février une invitation à venir déposer comme simple témoin dans la même affaire dont les protagonistes étaient, eux, soupçonnés d’escroquerie et de complicité de recel. Son rôle auprès de multiples réfugiés l’avait sans doute amené à franchir la ligne jaune, autant pour rendre service que pour améliorer ses revenus. Ma mère n’en a jamais rien su et mon père continua à se débrouiller, sans doute avec plus de prudence eu égard à la loi, mais avec une égale naïveté face à divers escrocs, emprunteurs peu scrupuleux et voleurs qui le plumèrent plus d’une fois. Mais on ne saurait minimiser l’esprit commerçant qui l’animait, tant il avait respiré l’air de Brême dans sa jeunesse et profité de son apprentissage et de ses études de négoce international.
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