Il y a des jours où j’hésite à continuer ce blog. Presque tous les jours d’ailleurs. Il suffit pour cela que j’aille lire celui d’Éric Chevillard qui, non content de l’alimenter d’observations sidérantes, parvient à le faire à un rythme quotidien. Le voilà même qui marche sur mes plates-bandes en soulignant à sa manière inimitable l’obscénité de la mise en scène actuelle des camps de la mort.
« Scorsese lui-même dans Shutter Island a recours à ce qu’il faut bien appeler désormais l’imaginaire des camps pour expliquer la folie de son personnage hanté par des images de charniers bleuâtres sous la neige, d’une atroce et douteuse beauté. Pas une semaine sans qu’un cinéaste ou un écrivain ne se transporte bravement au cœur de la Seconde Guerre pour y recruter une ordure ou un héros et nouer son petit psychodrame fictif en détournant une émotion restée vive depuis notre lecture de Primo Levi et notre vision de Shoah. Sincères ou non, leurs évocations ont un effet contraire à celui qu’elles prétendent viser. Elles déréalisent insidieusement les faits en les tirant vers l’allégorie tandis que notre émotion tourne à la délectation morose. Un Oscar pour le décorateur, un Oscar pour la costumière. Tout notre passé ne sera bientôt plus qu’un fac-similé réalisé en studio avec des planches modulables indifféremment utilisées pour les baraquements et les saloons. »
Les derniers témoins s’en vont
et, au prétexte de conserver leur mémoire, des tâcherons tournent sans pudeur
des fictions sans âme là où il faudrait des imprécateurs et des visionnaires.
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