C’est l’historien et archéologue Patrick André qui a levé le lièvre : Joseph-Ange Guillo du Bodan (1693-1755), ancien maire de Vannes, a été armateur de bateaux pratiquant la traite des noirs. Patrick André estime à 2 000 au moins le nombre d’esclaves enlevés sur les côtes d’Afrique pour enrichir le Vannetais (Le Télégramme, édition de Vannes, samedi 21 juin). Or, depuis 1967, une rue du quartier de Kercado conserve la mémoire de l’ancien maire et l’historien juge qu’il est urgent de la débaptiser.
Comment ne pas apporter au moulin de Patrick Hervé un peu de l’eau sale qui coulait dans la rue von Trotha à Munich ? Le responsable du premier génocide du XXe siècle (lire ici) était mort dans son lit, comme il se doit, en 1920 et les nazis avaient su ne pas l’oublier en donnant son nom à une rue de Munich en 1933. Ce n’est qu’en 2006 que, sous l’impulsion des Grünen, le conseil municipal de Munich s’est avisé de l’anomalie et en a fait la rue des Hereros…
La question a déjà été posée en Bretagne à propos de la rue Kitchener de Dinan (Cancale et Le Havre en ont aussi une). C’est un journaliste de Dinan, Serge Minoc, qui a relevé, vainement jusqu’ici, que Lord Kitchener (1850-1916), l’organisateur de la campagne « Your country needs you » en 1914, avait aussi été celui des épouvantables camps d’internement et de la politique de terre brûlée de la guerre des Boers en 1901.
Les anciennes nations coloniales ont bien du mal à terminer le ménage. Affaire de mémoire. Sans aller jusqu’à demander qu’on débaptise le campus de Beaulieu à Rennes, au motif que ce connétable du XVe siècle n’était probablement qu’un odieux soudard, on peut souhaiter que toutes les municipalités créent une commission ouverte chargée de réévaluer les noms donnés aux rues, places et équipements et d’en proposer de nouveaux, pour conserver la mémoire des victimes ou de ceux qui ont lutté pour la liberté plutôt que celle des bourreaux. Comme les riverains n’apprécieraient guère d’habiter rue des Esclaves, je ne peut que rejoindre Patrick André pour suggérer une rue Victor Schoelcher pour célébrer un grand abolitionniste.
Commentaires
Vous pouvez suivre cette conversation en vous abonnant au flux des commentaires de cette note.