Une excellente émission de France Culture, La Fabrique de l'histoire, propose ce matin un documentaire qui donne la parole aux descendants des protestants français émigrés au XVIIe siècle, à l'image de mon ancêtre. On y découvre leur passion pour la généalogie.
Dans un bel élan de sincérité, quelques lecteurs m’ont avoué avoir « eu du mal » avec les pages consacrées à la généalogie familiale et aux personnes rencontrées par mon père dans le début du livre. Ils ne savent pas à quoi ils ont échappé si j’avais tenté de suivre les traces paternelles. Les quelques lignes qui suivent sont extraites d’une lettre (en allemand) adressée le 19 septembre 1989 à Madame Marhold, une collègue pasteur. Je donne, entre parenthèses quelques précisions.
« Pendant mes études et aussi pendant la guerre, j’ai eu des contacts avec des pasteurs dont j’ai découvert plus tard qu’ils avaient des liens de parenté avec moi. Par exemple Harald Polchau (aumônier à la prison de Plötzensee qui a publié des mémoires), et le pasteur Bronisch-Holtze, à Berlin. Le docteur Polchau est mort après la guerre et c’est pourquoi je n’ai plus eu de contact avec lui. Le docteur Ernst Bronisch-Holtze a été exécuté en 1944 pour avoir écouté les radios ennemies. Qui en sait plus ? J’ai aussi connu le prêtre catholique Max-Joseph Metzger (ici) à Berlin ; lui aussi a été exécuté avec la sœur du docteur von Thadden-Trieglaff (ici), avec qui j’ai aussi des ancêtres communs. Quand j’étais à Paris, j’ai connu le professeur Wilhelm Hausenstein (ici), et Vollrath von Malzahn, ambassadeurs d’Allemagne, que j’ai souvent vus. Le second m’a remis la croix du mérite mais je ne savais pas, à l’époque, que nous avions des ancêtres communs. Nos arrière-grands-mères étaient sœurs ! ».
Je ne traduits ici qu’une dizaine de lignes d’une lettre qui compte quatre pages de soixante lignes chacune ! Arrivé à un certain stade, la généalogie offre un espace d'investigation infini et par le simple jeu des alliances, mon père pouvait sans cesse se découvrir de nouveaux parents. A l'opposé de la famille nucléaire moderne, voire de la famille monoparentale ayant perdu de vue ses rares proches et ignorant jusqu'au lieu de sépulture de ses grands-parents, mon père s'était doté d'une famille ouverte et sans cesse amplifiée. Un peu comme s'il lui fallait combler à tout prix l'absence de son père, ajouter sans trève de nouveaux noms autour de l'inadmissible "Franz Adolf Chales de Beaulieu, 5/9/1880-1/10/1914". Un seul être vous manque et tout est surpeuplé.