C’est Hélène Berr – dont le journal vient d’être réédité en format de poche (Points/Seuil) – qui écrivait : « La seule expérience de l’immortalité de l’âme que nous puissions avoir avec sûreté, c’est cette immortalité qui consiste en la persistance du souvenir des morts parmi les vivants ».
C’était la fonction des cimetières et des monuments aux morts que de manifester cette persistance visible. Dans les familles, elle pouvait se traduire par la place donnée aux photographies, aux portraits et à la transmission des souvenirs.
Internet a désormais ajouté un immense cimetière-monument aux morts virtuel dont on mesure encore mal l’importance et le rôle. En comparaison, les Mormons qui engrangeaient à tour de bras les actes de naissance feront bientôt figure de gagne-petit.
Mais suffit-il d’une fiche (comme celles du site Mémoire des hommes) ? D’une photographie, d’un court récit ?
Mes tiroirs sont pleins d’images qui, quand elles ne sont pas anonymes, ne sont que l’ultime trace d’un grand-oncle, d’une arrière grand-tante dont j’ignore à peu près tout. Pour certains (les Oelrichs), je sais qu’ils ont des centaines de descendants aux USA, pour d’autres, je sais que, justement, ils sont restés célibataires et que, probablement, il n’est pas plus oublié qu’eux.
Ce sont des questions de cet ordre que François Truffaut se posait brutalement dans La Chambre verte. Mais son « héros » échouait dans la mesure où il ne parvenait pas à faire partager par d’autres sa volonté de ne pas oublier. Sans doute ne faut-il pas se donner et donner aux autres des taches insurmontables. Á chacun de faire persister la mémoire de quelques disparus par tous les moyens qui pourront lui sembler bons.
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