Au mois d'août 1952, mes parents sont arrivés à l'Île aux Moines et grâce à la gentillesse de monsieur Melec, le fermier qui vivait à côté de l'église, ils ont pu camper dans un champ donnant directement sur la petite plage de port Miquel. Même s'il y avait emporté du courrier à faire et s'il s'atait construit un petit bureau à base de gageots, mon père trouva là de quoi combler son amour du soleil, du camping et de la baignade.
A partir de 1978, il résida en permanence sur l'île. Même si le champ qu'il avait acquis avait un petit côté bidonville, il lui permis longtemps d'offrir à d'autres ce qu'il avait été si heureux de trouver en 1952. Il y planta des dizaines d'arbres mais, ne disposant pas du personnel qui entretenait la propriété de ses grands-parents, il eut le plus grand mal à contrôler une nature sans pitié.
Il se baignait tous les jours, six mois par an. Plaisir redoublé par les rencontres qu'il pouvait multiplier sur la plage, tant avec les habitués que des inconnus. Ses cartons regorgent de lettres échangées avec des amis d'une heure qu'il avait amusés, restaurés, logés parfois même dans ses caravanes. Il y a même quelques désespéré(e)s le remerciant de leur avoir remonté le moral. Il est vrai qu'il avait de la bonne humeur à revendre tant, presque trente années durant et en dehors de l'instant où il lui fallait répondre sans attendre au coup de trompe de sa femme qui l'appelait à table et à de la course vers la poste pour ne pas manquer la levée, sa vie insulaire fut pratiquement exempte de stress. Ce qui ne l'empêchait pas de se plaindre à longueur de lettres de mille misères passées, comme si le bonheur présent n'arrivait pas à effacer les regrets et à guérir les blessures. Y-a-t-il des rescapés heureux ?