C’est bien de vider la maison de ses parents, mais une fois vide, il faut la quitter. Mon frère vient d’avoir l’excellente idée de m’offrir un livre pour enfants. Il me connaît bien direz-vous. Il ne croyait peut-être pas si bien faire tant il rejoint les préoccupations de ce blog et je vais vous en parler toutes affaires cessantes.
Je cherche les clefs du paradis de Florence Hirsch (éditions de
l’École des loisirs, 1999) est le récit par une petite fille de la perte de la
maison de famille où elle a passé des années heureuses. Avec le sens des
détails justes (« Quand je bouge un peu la tête, comme le carreau est
vieux et le verre inégal, on dirait que le hamac se balance tout seul. »)
Florence Hirsch passe en revue tout ce qui peut faire qu’une vie s’est faite
avec une maison, un jardin et ceux qui l’ont habitée. Toute notre sensibilité
peut s’être construite autour d’un lieu, parfois deux.
Pour moi, il y en a
trois. J’ai passé des vacances jusqu’à l’âge de six ans dans la maison de mon
grand-père maternel, à la Ferté-Saint-Aubin, et j’en garde des images de papier
peint, de potager, de table de jardin, de prairie entre les arbres, de soupente
et de soldats de plomb ; des odeurs de vieille remise. Le presbytère de
Boulay sentait le poêle à charbon, les pommes rangées dans la cave, la ferme
d’à côté et je pourrais, bien sûr, en dessiner le moindre détail si j’avais le
moindre don artistique. Les maisons de l’Île aux moines m’ont accompagné plus
longtemps et me font mieux mesurer qu’il n’y a peut-être de paradis que perdu
puisque la magie des deux précédentes me semble toujours plus forte que celle
des lieux où je serai venu pendant 57 ans. Ce qui me ramène à Florence Hirsch
qui écrit : « Il y a deux sortes de gens, ceux qui ont un paradis
perdu et ceux qui n’en ont pas » ; mais un paradis perdu est quelque
chose de « précieux où ils pourront toujours puiser. »
Les portes et les volets peuvent donc parfois se refermer. Ils se rouvriront pour d’autres qui se créeront des souvenirs précieux où ils pourront puiser. Mais le prix de vente ne comprendra jamais la mémoire des choses précieuses que celui qui part emporte en lui.